Dans la soirée du 9 août 1512, il y avait à bord de la Cordelière de nombreux invités, nobles dames et gentilshommes bretons, quand les postes d’observation, échelonnés le long de la côte, signalèrent l’approche soudaine d’une grosse flotte anglaise. Pour ne pas se laisser enfermer dans la rade de Brest, la Cordelière appareilla immédiatement avec les autres bâtiments du vice-amiral René de Clermont, sans avoir eu le temps de débarquer ses invités.

C’était le 10 août 1512. Il était environ midi, Howard, pour nous accrocher avait forcé la voilure; la Marie-Rose, qu’il montait, accabla de boulets la Louise, qui battait pavillon amiral René de Clermont, et la força à se sauver au milieu des roches. Autour de la Cordelière, tournent comme des « toupies » la Marie-James de Thomas Ughtred, le Sovereign de Charles Brandon, duc de Suffolk, et le Régent du grand écuyer Thomas Knyvet.

Portzmoguer se débarrasse des premiers par des bordées bien dirigées, puis se jette sur le dernier, « comme le chien se joue du lièvre quand il le tient aux dents ».

L’Amiral Howard n’avait pas moins de 51 bâtiments, dont moitié étaient des transports. René de Clermont n’en avait pas plus de 21. Devant cette inégalité de force, il quitta son mouillage entre la pointe Saint-Mathieu et celle du Toulinguet, pour se replier dans le goulet de Brest; la Louise et la Cordelière couvraient la retraite de l’Escadre française.

La Cordelière a jeté ses grappins sur le Regent. Mais c’est elle qui subit l’attaque à l’abordage de ses adversaires, bien supérieurs en nombre et vigoureusement menés par le baron de Winchelsea.

Enveloppé de toutes parts par la flotte anglaise, Portzmoguer se rend compte, en montant dans la hune, qu’il n’a plus aucun secours à attendre: ses « conserves », dont il a protégé la retraite, disparaissent dans le goulet de Brest…

Tant que dure le duel d’artillerie, les canonniers restent seuls sur le pont, tapis derrière des balles de laine dont ils se couvrent après chaque décharge; le pont de corde tendu au-dessus de leurs têtes amortit le choc des projectiles que les gabiers ennemis font pleuvoir de la hune, où une cloche treillissée les abrite eux-mêmes. Il faut attendre que la trompette sonne, pour que les quatre compagnies d’abordage montent de l’entrepont, en laissant chacune derrière elles une section de réserve. Sous les ordres du «capitaine de dessoubz», charpentiers et calfats se tiennent attentifs à aveugler les voies d’eau et à passer aux combattants les projectiles de la soute. Telle est la justicieuse tactique que l’amiral de Louis XII, Philippe de Clèves, a enseignée à nos marins.

Mais que pouvaient les marins de Portzmoguer contre la pluie incendiaire des aspergès et des lances à feu évasées comme des trompes, contre les grenades explosives au pétrole ou les oranges ardentes à l’eau de vie, au soufre et au salpêtre, qui pleuvaient des gaillards du Regent.

Tout à coup, une détonation épouvantable retentit. La sainte-barbe de la Cordelière venait de sauter.

« Petius mori quam foedari »: les Bretons avaient préféré la mort à la capitulation. Et ils entraînaient leurs adversaires dans l’abîme. Le Regent brûlait comme un fétu; Knyvet avait été tué ; 3 de ses cannoniers sur 100 échappèrent. Ughtred comptait 90 tués et blessés à bord de la Mary-James. Mais des 1250 hommes, marins, soldats et invités que portait la nef de Morlaix, le feu n’épargna qu’une vingtaine de personnes.

D’après des textes de Jakez Cornou et de Fabienne Wolf. Tableau de Pierre Julien (1882).

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